Chanson douce - Leïla Slimani

Chanson douce - Leïla Slimani


Le quotidien d'une famille qui décide de faire entrer au sein de son foyer une nounou. Une rencontre de quelques minutes qui scelle leurs vies à jamais…




Le résumé en quelques mots : Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame





Un livre qui fonctionne comme…

- Un thriller : Les trois premières pages nous plongent immédiatement dans l'horreur : Myriam découvre en rentrant dans son appartement son fils Adam mort, sa fille Mila prête à succomber à ses blessures, ils ont été tués par leur nounou Louise qui elle-même a tenté de se suicider. Toute la suite du roman consiste à remonter le fil de temps et relater l’histoire de la famille du jour où elle rencontre la nounou jusqu’à la mort des enfants et au-delà, jusqu’au moment de la reconstitution de la scène du crime.

- Une étude sociologique : L’œil acéré de Leïla Slimani décortique le lien qui unit une famille lambda à une nounou. Elle observe et décrit méticuleusement comment se tisse la relation nounou-parents, tout comme la relation nounou-enfants dans une société où le travail et le besoin d’épanouissement personnel pressent les familles à avoir recours souvent dans l’urgence à une personne dont ils savent peu de choses et à qui ils confient la chose qui leur est la plus précieuse : la vie de leurs enfants. L’auteur décrit comment cette personne anodine et dont personne ne sait rien va devenir le centre de la vie du foyer ( brillant par ses qualités de nounou mais aussi de cuisinière, ou encore de femme de ménage et devient vite indispensable à la vie de cette famille qui va jusqu’à partir en vacances avec elle).



Je trouve très bien construit le personnage de Louise, à la fois insaisissable et tellement proche de nous. Nous vivons l’histoire à travers elle, le parti pris de l’auteur n’est pas anodin et il est très efficace en ce que nous trouvons d’autant plus explicable le désespoir de la nounou. Cette empathie envers le personnage de la nounou qui, même si nous le savons dès le début, a commis un geste atroce, nous fait nous sentir terriblement proche d’elle.



Voici un passage que j’ai beaucoup aimé :
Myriam s’enfonce dans son siège. Elle regarde à nouveau devant elle, troublée comme si elle avait croisé un souvenir, une très vieille connaissance, un amour de jeunesse. Elle se demande où Louise va, si c’était bien elle et ce qu’elle faisait là. Elle aurait voulu l’observer encore à travers cette vitre, la regarder vivre. Le fait de la voir sur ce trottoir, par hasard, dans un lieu si éloigné de leurs habitudes, suscite en elle une curiosité violente. Pour la première fois, elle tente d’imaginer, charnellement, tout ce qu’est Louise quand elle n’est pas avec eux.


En entendant sa mère prononcer le nom de la nourrice, Adam a, lui aussi, regardé par la fenêtre.

« C’est ma nounou », crie-t-il, en la montrant du doigt, comme s’il ne comprenait pas qu’elle puisse vivre ailleurs, seule, qu’elle puisse marcher sans prendre appui sur une poussette ou tenir la main d’un enfant.

Il demande :

« Elle va où, Louise ?
- Elle va chez elle, répond Myriam. Dans sa maison. »


Regret : la fin, la partie investigation devenait intéressante, le personnage du capitaine Nina Dorval aurait mérité un approfondissement, comment va-t-elle faire revivre la nounou à travers la reconstitution ? il n’est pas anodin que la personne chargée de la reconstitution soit une femme, comment va-t-elle pouvoir faire revivre ce crime singulier ? Que va-t-elle pouvoir restituer de la psychologie de la nounou sur laquelle on nous dit qu’elle s’est longuement penchée ?...

Je ne suis pas d’accord pour dire que ce roman va crescendo et que la fin relève d’une tension extrême bien au contraire, je trouve que tout retombe très vite, le lecteur arrivé à la fin du roman demeure littéralement pantois. Oui mais alors ?


    En bref, un roman intéressant de par sa construction et le fonctionnement des préjugés de classe qu’il met à nu. Le personnage de Louise n’est qu’un prétexte pour dresser le portrait d’une société ou chacun, bien campé dans sa catégorie sociale passe à côté de la vie et des autres. 8/10

Leïla Slimani a reçu le Prix Goncourt 2016 pour Chanson douce.

Auteur: Leïla Slimani
Editions Gallimard
Paru en août 2016
240 pages

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