Continuer - Laurent Mauvignier

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Des vies à la dérive. L'échappée de la dernière chance mise en oeuvre par une mère pour son fils, comme un ultime geste de survie, comme l'électrochoc qui ramène à la vie. 

Le résumé en quelques mots : Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu'à aujourd'hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter. Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu'elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire. 


* Deux vies mornes : celle de Samuel, un adolescent en perte de sens, frôlant les lignes de son inhumanité, s'enfonçant jour après jour dans la haine, de soi, de sa mère, des autres, ceux qui sont différents, qui pour lui font tâche dans la France lisse et blanche qui le rassurerait tant. 
Et puis, la vie de Sybille, sa mère, qui après avoir vécu intensément une jeunesse épanouie et, après un divorce et un enfant qu'elle n'a pas réellement désiré, s'est laissé glissé dans la dépression

* Se reconnecter à la vie : sentir le vent sur sa peau, le souffle des chevaux, son propre souffle qui s'emballe dans l'effort. Ce sont les montagnes du Khirgizhistan, aussi belles que dangereuses. C'est reprendre contact avec soi, ses sensations, mais aussi les autres. Les nomades croisés au détour des chemins, les habitants des villages traversés, le frottement de l'humanité des autres contre la sienne pour raviver l'étincelle de vie
La vie aussi comme l'amour inconditionnel d'une mère pour son fils qui n'offre en retour que haine et mépris.

Mais renaître à la vie c'est laisser remonter les épisodes douloureux de la jeunesse, laisser jaillir les cauchemars, écrire pour démêler et recommencer à aimer


Un passage que j'ai beaucoup aimé :
Ils ont pris l'habitude, le soir, selon l'endroit où ils se trouvent, s'il n'y a pas trop d'obstacles, si les chevaux ne sont pas trop épuisés, si le paysage s'ouvre devant eux et déroule un long tapis de terre ou d'herbe, même sèche et pauvre, caillouteuse, mais avec au-devant un replat suffisamment long pour que tout à coup ils défassent la selle, laissent tomber les sacs, tout ce qui les entrave, sans rien se dire, se provoquant, se toisant et n'attendant qu'un signal, un cri, un sifflement, oui, presque tous les soirs, alors qu'ils vont bientôt s'arrêter pour bivouaquer, ils ont pris l'habitude de s'élancer et de faire la course sur quelques centaines de mètres aller et retour, à fond de cale, chevauchant à cru, profitant de l'effet de surprise, le temps de lancer un coup d'oeil en arrière et de voir comment l'autre réagit, (...) alors on se lance à corps perdu, le corps penché sur le cou du cheval, le nez et la bouche en prise avec la crinière et les mains refermées sur les touffes de crin, les jambes plaquées contre les flancs qui s'agitent et les muscles qui roulent et les chevaux comprennent et s'élancent en fendant le vent, (...) la sueur coulant dans le dos et glissant dans les cheveux, sur le front, aveuglant les yeux, ruisselant sur la poitrine, la sueur et la fatigue, l'humus de l'odeur humaine, salée, âcre, qui se mêle à celle des chevaux, la crinière et la poussière qui dégagent cette odeur et cette chaleur de l'animal et les vibrations de son corps, sa vitesse, sa fougue et sa force qui résonnent dans les bruits des sabots et des fers...

    En bref, un roman intense, un bon bol d’air et des idées (loin du racisme ambiant) prônant la paix entre les hommes, qui font du bien. 10/10

Auteur: Laurent Mauvignier
Editions de Minuit
Paru en septembre 2016
240 pages

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