Ecoutez nos défaites - Laurent Gaudé

Ecoutez nos défaites - Laurent Gaudé

Destins croisés de cinq personnages, contemporains ou historiques, ballotés par l’Histoire.

Voici entremêlés, les destins de trois figures historiques entrées dans la légende : le général Grant, surnommé " Le Boucher " qui a lutté contre les sudistes lors de la guerre de Sécession américaine, Hannibal le général carthaginois parti conquérir Rome à dos d’éléphant, Hailé Sélassié, le Négus éthiopien, descendant des rois Menelik, venu combattre, avec ses troupes, pieds nus, les troupes du “Duce”.
Auxquelles s'ajoutent, à notre époque le destin du soldat Sullivan qui fait partie d’une section des forces spéciales américaines plus connue sous le nom de SEAL Team 6 intervenue dans le raid qui tua Oussama Ben Laden, et qui ne trouve plus de sens, comme si tout était allé trop loin. Mais aussi, Assem Graïeb, espion pour l’état français, chargé de « prendre le pouls » de Sullivan qui semble s’être retourné contre son pays. Et enfin, Mariam, archéologue d'origine qui se consacre à retrouver et rendre à son pays les oeuvres d'art qui ont été pillés et dont l'arrivée de Daech qui détruit le musée de Mossoul l'oblige à retourner sur place.

Ce nouveau roman de Laurent Gaudé ne se lit pas facilement du tout. Les récits entremêlés de tous ces personnages créent des ruptures dans la lecture et la rendent pénible
On retrouve le souffle épique lié aux grandes épopées caractérisque du style de Laurent Gaudé si ce n’est que, cette fois-ci, la dimension poétique fait cruellement défaut. Je n’ai pas été transportée par l’écriture comme c’est le cas d’habitude. Et même si, au début du roman j’ai trouvé que les récits imbriqués (3 personnages seulement au départ) étaient bien menés avec une maîtrise du rythme qui faisait monter la tension symétriquement, à peine arrivée à la moitié, il me tardait de finir. Cette multitude de personnages confère au roman un aspect foisonnant et une impression de zapping assez déconcertants. Finalement, c’est moins profond, moins fouillé que d’habitude et le final très plat.

Toutefois, j’ai noté une réflexion sur l’histoire intéressante par le fait que tous ces personnages, qu’ils aient connus des faits de gloire ou des défaites, se font tous transporter d’un même souffle par l’Histoire

D’autre part, le traitement de l’actualité concernant le terrorisme exercé par Daech, à travers les personnages de Mariam, Assem et Sullivan est aussi intéressant. Néanmoins, les parties qui m’ont le plus plues sont celles où l’auteur évoque le métier d’archéologue de Mariam et le rapport qu’elle entretient à son métier. Voici un extrait, où Mariam raconte sa passion des lieux historiques à travers une anecdote :
La difficulté des fouilles. L’attente de l’obtention du fameux firman qui permet de creuser et le jour, enfin, où ils peuvent ouvrir la porte qu’ils ont réussi à dégager du sable. J’ai raconté la colonne de vapeur bleue qui sort de la porte ouverte, « comme de la bouche d’un volcan », dit Mariette dans ses écrits. Pendant quatre heures la tombe se vide de cet air prisonnier depuis des siècles (…) Plus loin, dans la chambre mortuaire, Mariette découvre non seulement les sarcophages des taureaux, mais là, sur le sol, la forme d’un pied dans la poussière. Le dernier prêtre qui s’est retiré avant de fermer la porte. La forme de son pied, figée dans la poussière, immobile pour trente siècles. Et ce qui était fragile, ce qui aurait dû être effacé au premier coup de vent a survécu à tout, aux convulsions du monde. 
Un petit passage que j’ai là encore apprécié au sujet des pillages et de la destruction des sites historiques (notamment Palmyre) par les membres de Daech :
L’Antiquité est pleine de villes mises à sac –l’incendie de Persépolis, la destruction de Tyr-, mais d’ordinaire il en restait des traces, d’ordinaire l’homme n’effaçait pas son ennemi. Ce qui se joue là, dans ces hommes qui éructent, c’est la jouissance de pouvoir effacer l’Histoire.
Et pour finir un extrait concernant le choc des civilisations entre Orient et l’Occident :
Les heures passées dans cette aérogare, il s’en souvient… Il quittait Erbil et les camps d’entraînement kurdes. Il quittait le regard droit de Shaveen qui se battait parce que sa sœur avait été enlevée par Daech lors de la prise du mont Sinjar (…). A deux heures de vol à peine. Le même monde : cette vendeuse aux cheveux nattés à la robe tyrolienne ridicule avec décolleté pigeonnant, pour que les hommes d’affaires s’arrêtent et achètent une boîte de chocolats ou un saucisson sous cellophane, vit dans le même monde que Shaveen, fusil automatique en bandoulière, ou que les gamins pieds nus du camp de Kawergosk (… )

    En bref, un roman qui m’a beaucoup déçu. Trop d’éparpillements qui gâchent la vraie force poétique de l’écriture de Laurent Gaudé. 5/10

Auteur: Laurent Gaudé
Editions Actes Sud
Paru en août 2016
256 pages

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