L'enfant noir - Laye Camara

L'enfant noir - Laye Camara

Ce classique de la littérature africaine nous propose un dépaysement des plus envoûtants...

L'auteur/narrateur raconte son enfance en Haute-Guinée avec le regard nostalgique de l'homme occidentalisé qu'il est devenu.
Son parcours est celui d'un bon élève qui, par ses bonnes notes, se voit proposer l'opportunité de poursuivre ses études en France avec l'attribution d'une bourse.

Ainsi, le narrateur nous plonge, par ses souvenirs, dans les traditions de son village de Kouroussa : les grandioses rites et cérémonies de la circoncision, la fête de la récolte du riz, le travail artisanal de son père mécanicien-forgeron-orfèvre, les griots dont le métier est de louer les mérites d'une personne désignée, les marabouts que les femmes consultent pour attirer la chance sur quelqu'un, etc...
Dans la description de cette culture nous retrouvons la figure maternelle, dévouée, débordante d'amour et d'attention pour ses enfants, ainsi que la figure du père, sage, philosophe, respecté et admiré.
C'est une enfance heureuse, remplie de joie et d'amour que nous décrit le narrateur. Après une petite-enfance insouciante passée en Haute-Guinée, dans la concession familiale, il partira à Conakri (sur la côte) pour y préparer son certificat d'aptitude professionnel. Hébergé par son oncle, il sera entouré d'amour, par les deux femmes de ce dernier, par ses cousins qu'il considère comme ses frères et par Marie, une jeune fille qu'il rencontre au collège et avec qui il lie une profonde amitié. En outre, malgré tout cet amour reçu, le narrateur évoque souvent le thème du déchirement, du déracinement, avec la sensation d'être toujours entre deux eaux, de ne plus appartenir au lieu qu'il quitte ni à celui où il s'installe.
L'écriture, quant-à-elle, est empreinte de musicalité; le rythme de la phrase africaine résonne à nos oreilles avec délice tout au long du roman. L'auteur sait retranscrire l'ambiance, la solennité, l'importance d'un événement qu'il a vécu avec beaucoup de minutie. La phrase chante, les souvenirs dansent autour du personnage qui les fait resurgir avec un enchantement non dissimulé.

Mais quels étaient ces longs fils blancs qui tombaient, qui partaient plutôt du fromager et paraissaient inscrire sur le ciel la direction de la ville? (...) Parvenu aux premières concessions, la présence des longs fils blancs m'a de nouveau frappé; toutes les cases principales portaient de ces fils à leur sommet. — Tu vois les fils blancs ? dis-je à Kouyaté. — Je les vois. Il y a toujours de ces fils après la cérémonie de la clairière. — Qui les noue?.  Kouyaté souleva les épaules. — C'est de là qu'ils viennent, dis-je en montrant au loin le fromager. — Quelqu'un sera grimpé au sommet. — Qui pourrait grimper sur un fromager? Réfléchis! — Je ne sais pas ! — Est-ce que quelqu'un est capable d'embrasser un tronc de cette grosseur? dis-je. Et même s'il le pouvait, comment pourrait-il se glisser sur une écorce aussi hérissée d'épines. Ce que tu dis n'a pas de sens ! Te figures-tu bien le trajet qu'il faudrait faire avant d'atteindre les premières branches. (...)Nous avions atteint la grande place de la ville, et je regardais avec étonnement les fromagers qui ombragent le marché: eux aussi étaient garnis de ces mêmes fils blancs. Toutes les cases un peu importantes, tous les très grands arbres, en vérité, étaient ainsi reliés entre eux, et leur point de départ comme leur ralliement était l'immense fromager de la clairière, le lieu sacré que ce fromager signalait. — Des hirondelles nouent ces fils, dit tout à coup Kouyaté. — Des hirondelles? Tu es fou! dis-je. Les hirondelles ne volent pas la nuit.     J'interrogeai un de nos aînés qui marchait à proximité. — C'est notre Chef à tous qui les lie, dit-il. Notre Chef se transforme en hirondelle au cours de la nuit ; il vole d'arbre en arbre et de case en case, et tous ces fils sont noués en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. — Il vole d'arbre en arbre ? dis-je. Il vole comme une hirondelle? — Eh bien, oui! Il est une vraie hirondelle, il est rapide comme l'hirondelle. Tout le monde sait ça ! — Ne te l'avais-je pas bien dit? fit Kouyaté.  Je ne dis plus mot : la nuit de Kondén Diara était une étrange nuit, une nuit terrible et merveilleuse, une nuit qui passait l'entendement.

    En bref, L'Enfant noir est un petit roman limpide, dépaysant, gai et nostalgique qui, encore aujourd'hui, est considéré comme un des pilier de la littérature africaine. Par ailleurs, il s'est vu décerner le prix Charles Veillon en 1954. 8/10


Auteur: Laye Camara
Paru en 1953
Editions Plon
221 pages

1 commentaire(s):

Anne Sophie a dit…

mon copain avait aimé mais je ne l'ai pas encore lu ! il faut que j'y remédie :)

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